J'aimais mon job. Vraiment. Ce n'était pas le job parfait, mais il payait bien et j'avais de la bonne compagnie la plupart du temps. On trouvait pire de toute façon. On trouvait toujours pire. Ce soir-là était une de ces soirées ou l'on se dit qu'on a la vie facile. Pas besoin de se déshabiller, pas besoin de bouger son popotin de manière sensuelle pour que les mecs pointent au nord, pas besoin de coucher pour du fric ... Je ne roulais pas sur l'or, mais je gardais une certaine dignité.

Non vraiment, j'aimais mon job. Sauf lorsque j'étais de service aux sous-sols. L'isolement des chambres n'était pas à douter, mais les portes l'étaient rarement, aussi les couloirs devenaient souvent une chorale. Plaisir, douleur ... je les avais tous entendus. Ca ne m'empêchait pas de frissonner en imaginant les scènes. Ca et le bar était rarement pris d'assauts comme il pouvait l'être à l'étage au-dessus, chez les strip-teaseuses. L'ennui pouvait souvent être mortel et il n'y avait rien d'autre pour nous occuper que de laver les verres encore et encore, nettoyer le comptoir encore et encore et prier pour ne pas être appelé à délivrer une boisson dans telle ou telle chambre.

J'étais loin d'être une prude, mais essayez-donc d'entrer dans une chambre où vous savez que vous verrez des choses que vous ne voudriez jamais voir. Où vous verrez des amis dans des positions que vous n'auriez jamais voulu connaître ... vous ne verrez plus jamais ces personnes comme avant. Je détestais bosser dans les sous-sols.

Cela faisait deux heures à présent que j'avais commencé mon service et je n'étais pas prête de finir. Depuis des mois que je me disais qu'il fallait que j'achète des boules quiès et que je ne le faisais toujours pas ... j'allais finir par m'arracher les oreilles à ce rythme-là. J'aime le porno, autant que le prochain pervers du coin, mais de là à le vivre tous les soirs ... Je n'étais pas stupide ; je savais dans quoi je m'embarquais le jour où j'ai pris le poste, devais-je absolument trouver cela agréable ?

Je remerciais le ciel quand, enfin, le silence reprit son règne. Les crieurs semblaient avoir déserté, ou alors ils avaient été bâillonnés. Peu m'importait. J'étais à présent seule, en compagnie de mes pensées et j'étais à deux doigts d'embrasser le sol et de remercier Dieu, s'il existait. Je passais une main dans mes cheveux et décidais de sécher les verres que je venais de laver. Il ne servait à rien de les laver une énième fois. Ils étaient immaculés à présent. Chiffon en main, je prenais le premier verre et de mes mains devenues expertes, m'employait à le sécher et à le ranger. Un verre, deux verres, trois verres et je remarquais enfin que quelqu'un venait de s'asseoir au comptoir. Je souris en voyant Jules.

« Dure soirée ? »

RILEY&JULES

Ce soir, je devais travailler dans la salle, je devais offrir un strip-tease à ces chers messieurs et à ces chères dames tandis que mes collègues continuaient d'offrir leurs services aux hommes. Je me trouvais dans ma loge, je me préparais pour le grand soir. J'adorais me pomponner auparavant, quand ce n'était pas pour les hommes qui m'observaient danser contre une barre. Je nouais mes cheveux en chignon sans les attacher et mis en place ma perruque rose par-dessus. J'enfilais mes vêtements de show, des sous-vêtements noirs en dentelles légèrement transparent au dessus d'un corset noir. Je m'observais dans le miroir, me mettant du mascara, une touche de rouge à lèvres ainsi que du fond de teint. J'étais fin prête.

Après mon show, j'étais exténuée. Je retournais dans ma loge pour m'asseoir quelques minutes et compter l'argent que j'avais récolté. Je n'aimais pas spécialement ce travail, mais c'était toujours mieux que la prostitution mais bon... Dans les deux cas je gagnais beaucoup d'argent, c'était le plus important. Dans ma loge, je retirais tout l'argent de mon soutient gorge, je m'étais fais environ cinq cent dollars. Je contemplais les billets me disant intérieurement que ces enflures auraient pus être plus généreux ! Mais bon, tous les soirs ne peuvent pas non plus être aussi riches que les autres.
Sans prendre la peine de me changer, je descendais au bar ou travaillait Riley, une amie à moi. Pourquoi ne pas ma changer ? Parce qu’il était plus de cinq heures de matin, et que plus personne ne traine au bar à cette heure là. J’arrivais dans la salle et m’asseyais sur un tabouret tandis que Riley continuait de laver les verres, comme si elle ne m’avait pas vu. Puis elle leva la tête et eut un air surprit lorsqu’elle me vit. Lorsqu’elle m’adressa la parole j’eus un sourire. « Oh tu sais, j’ai l’habitude des soirées comme ça… Juste je me suis pas fais beaucoup de fric par rapport aux autres soirées. Et toi ca va ? » Tout en discutant, je posais ma perruque rose sur le comptoir, laissant mes cheveux blonds tomber librement sur mes épaules. Je baillais longuement avant de m’étirer de tout mon long. « Tu pourrais me faire un café s’il te plait ? Je suis exténuée. »
Riley et moi, on est amies depuis qu'elle est arrivée à l'Aphrodite, un peu maladroite, bavarde, mal à l'aise, j'ai essayé de la mettre à l'aise pour qu'elle puisse vite s'adapter à cet univers plus ou moins... pornographique. Depuis, nous sommes devenues amies, j'ai bien remarqué les petits regards qu'elle me lance en coin, mais je ne dis rien, je ne veux pas gâcher cette belle amitié qui nous uni. Surtout que moi, contrairement à elle, je suis hétéro !

But broken glass can cut your hand,
And then you'll bleed across the land,
Ask any woman, child or man,
About the dangers
Of broken glass...
Broken Glass....

~ Victorious Cast - Broken Glass ~

Elle aurait pu avoir les cheveux au vent, le corps recouvert de boue et un bikini qui ne laissait rien à l'imagination, ça m'aurait certainement fait moins d'effet que le simple fait qu'elle enlève cette perruque et qu'elle s'étire. De toute ma vie, je n'ai du avoir la gorge aussi sèche qu'à une ou deux reprises et toujours pour les mêmes raisons. Quand le corps aime ce qu'il voit, il réagit en bon et due forme. J'avalais ma salive et posait mon regard sur les verres que je continuais à sécher, de manière à rester discrète. Pas besoin de crier sur tous les toits, que j'avais envie d'elle. Je n'étais plus la gamine d'antan qui gueulait à plein poumons dès qu'on lui agitait un bonbon sous le nez - bonbon qu'elle n'aurait jamais.

Je laissais glisser le coup de l'argent, comme de l'eau sur une pierre lisse, en déglutissant péniblement tout de même. Mes pourboires étaient une vraie misère par rapport au sien, mais je comprenais d'où elle venait. Ou alors j'étais tellement entichée que je laissais tout couler avec elle. Probablement la deuxième solution.

Je passais le chiffon sur mon épaule et sortais tasse, filtre et café. Depuis à présent un an que je travaillais ici, j'avais appris à maîtriser l'art qu'étais la maîtrise de la machine à café. Je me souviendrai toujours de la torture que cela avait été, d'apprendre à l'utiliser. Je ne comprenais toujours pas pourquoi nous n'utilisions pas les cafetières à dosettes, mais j'avais appris à m'y faire. Tandis que je laissais faire la technologie, je laissais mes doigts pianoté sur la surface sur laquelle reposait la machine, tout en regardant Jules. Elle avait beau être une amie, elle avait beau être hétéro, j'avais toujours cette irrésistible envie de lui arracher ses vêtements à chaque fois que je la voyais. Ce qui faisait beaucoup de fois, étant donné que je travaillais à l'Aphrodite presque tous les jours. Lorsque la tasse fut enfin remplie, je la posais devant Jules avec un sourire. « Tiens. À cette heure-ci la meilleure solution serait de dormir, mais bon ... » Je ne finissais pas ma phrase. Il n'y avait pas besoin d'argumenté plus que cela. Elle faisait ce qui lui chantait et si me tenir compagnie la satisfaisait, alors qui étais-je pour me plaindre ?

Je reprenais mon chiffon en main et recommençait à ranger les verres. Je finissais mon service dans moins d'une heure et il fallait que tout soit nickel pour le malheureux qui prendrait la prochaine tranche horaire. Sûrement le côté le plus fun du job. C'est à cet instant que la porte de l'une des chambres claqua violemment et sous la surprise, je laissais tomber tout ce que je tenais dans les mains. Sous ma barbe, je sortais toutes les insultes que je connaissais, aussi colorées les unes que les autres. Ramasser des bouts de verre brisé n'était pas ce que j'appelais mon passe-temps favori.